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Entre défis sécuritaires et présidentielle à venir, le Niger sous pression

August 11, 2020

L’assassinat perpétré contre six travailleurs humanitaires français de l’ONG Acted et de leurs accompagnants nigériens par des hommes armés à moto à Kouré, à moins de 100 kilomètres de Niamey, la capitale du Niger, a de quoi jeter le désarroi dans un pays où la notion de « zone sûre » est devenue plus qu’hypothétique. Cela intervient alors qu’au cœur du Sahel le Niger doit faire face à la crise sanitaire du Covid-19, ses conséquences économiques aussi, tout en plongeant dans la tourmente sécuritaire que lui imposent les djihadistes au moment où le pays doit préparer une élection présidentielle à fort enjeu qui doit avoir lieu en décembre prochain. Les défis sont donc multiples pour un pays enclavé qui subit les assauts d’islamistes de diverses obédiences extrémistes (État islamique, Al-Qaïda…) dont les objectifs de déstabilisation de cette région du Sahel ne sont plus un secret. Autant dire qu’il y a là tous les éléments qui justifient une forte mobilisation de l’armée nigérienne, dont Niagalé Bagayoko, présidente du Réseau africain du secteur de la sécurité, dit qu’elle est « extrêmement sollicitée sur trois fronts de déstabilisation ».

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Le triple défi sécuritaire que doit relever le Niger

La première chose à retenir, c’est que, dans l’Ouest, l’immense et instable région de Tillaberi fait partie de la zone dite des « trois frontières » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Des groupes djihadistes y sont implantés depuis plusieurs années et s’attaquent régulièrement aux symboles de l’État sur place. Cela va des camps militaires aux administrations, dont les fonctionnaires sont souvent enlevés et assassinés.

Si l’on en croit l’AFP, le principal groupe djihadiste implanté est celui d’Abou Walid Al-Sahraoui, nommé par ses ennemis État islamique au Grand Sahara (EIGS) et affilié depuis 2015 à l’organisation État islamique (EI). Il est à l’origine de dizaines d’attaques de camps dans les trois pays, et notamment au Niger. On se rappelle fin 2019 l’épisode d’Inatès, où 71 soldats ont été tués, de Chinégodar aussi, début 2020, où 89 soldats ont perdu la vie. Sont également présents dans cette zone des éléments du Groupement de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda).

Important à savoir : s’ils ont par le passé pu collaborer de façon épisodique sur des attaques ciblées, les différents groupes djihadistes liés à l’EI et à Al-Qaïda se combattent depuis début 2020 au Sahel, principalement dans le Gourma, au Mali. Au Niger comme ailleurs au Sahel, ces groupes prospèrent sur un sentiment d’abandon des populations rurales et des conflits préexistants entre communautés. Dans un récent rapport, le think tank International Crisis Group (ICG) expliquait que le conflit dans la zone de Tillaberi était « fondamentalement motivé par les concurrences inter et intracommunautaires autour des droits et des ressources, conflit que l’État islamique a su exploiter à son profit ».

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L’Est et le Nord : les autres fronts avec lesquels il faut compter

Dans l’Est, le Niger fait face à une autre menace djihadiste, sur les rives du lac Tchad : c’est le groupe Boko Haram qui sévit, comme ISWAP (groupe djihadiste lié à l’EI, né d’une scission avec Boko Haram en 2016). Les attaques djihadistes dans cette région du Niger sont nombreuses depuis cinq ans, notamment à Diffa, principale ville du Sud-Est nigérien. Enfin, le nord du Niger est frontalier de la Libye en conflit. La passe de Salvador, immense étendue désertique à la frontière entre les deux pays et le Tchad, est réputée être une zone de trafics d’armes, de drogue, et de migrants. « Si l’armée nigérienne est sur tous les fronts, il ne faut pas oublier les engagements multinationaux du Niger », dit Niagalé Bagayoko. L’armée est présente dans deux forces sous-régionales, la Force conjointe du G5 Sahel au Sahel et la Force multinationale mixte au lac Tchad, ainsi qu’au sein de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma). Bien que réputée « plus solide », selon Niagalé Bagayoko, que certaines armées de la région, l’armée nigérienne reste sous-formée et sous-équipée. Elle paie un lourd tribut humain depuis le début de la crise.

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C’est dans ce contexte que Niamey aborde l’élection présidentielle fin décembre. Le président Mahamadou Issoufou, après deux mandats, ne se représente pas. L’un des piliers du pouvoir, l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum, sera candidat du parti présidentiel.

La menace se fait grandissante

« L’image de verrou stable de la région qu’avait le Niger a été ternie par les nombreuses attaques récentes sur l’armée et les scandales de détournements de fonds », dit Yvan Guichaoua, chercheur à l’université de Kent (Grande-Bretagne). Car, malgré « des efforts faits en matière de consolidation de la paix », il y a « des problèmes de gouvernance dans le secteur de la sécurité, comme l’ont révélé l’audit sur la gestion frauduleuse des budgets de la défense, l’adoption d’une loi contestée sur la cybersécurité et l’arrestation de journalistes et blogueurs », déplore Niagalé Bagayoko. Enfin, la capitale Niamey voit la menace sécuritaire se rapprocher : la prison la mieux gardée du pays à Koutoukalé (60 km au nord de Niamey) a subi une attaque en mai 2018 et un poste de police aux portes de la capitale a été attaqué en juin 2019 avec un bilan de deux policiers tués. Dimanche, c’était la première attaque dans la zone du parc naturel de Kouré, à 60 km de Niamey, lieu de visite en week-end de nombreux habitants de la capitale, Nigériens comme expatriés. Pas de quoi rassurer les populations et surtout le signe d’un cancer terroriste dont les métastases se multiplient dans le pays et de plus en plus près des centres de décision.

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Source : African Media Agency (AMA)

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