Le chef de l’État de la Côte d’Ivoire a délivré un discours à l’occasion de la commémoration. Alassane Ouattara a ainsi milité pour une meilleure représentativité du continent africain au sein de l’organisme de Bretton Woods.
« Ce constat montre que beaucoup de chemin reste encore à faire pour améliorer la représentativité du continent africain. La revue des quotas, qui déterminent la représentativité des pays, reste donc un point important à l’ordre du jour pour les pays africains », a indiqué Alassane Ouattara.
Alassane Ouattara a eu à travailler au département Afrique du Fonds Monétaire international (FMI). Il en a été d’ailleurs le directeur de 1984 à 1988.
Madame la Directrice Générale du Fonds Monétaire International ;
Monsieur le Directeur du département Afrique ;
Mesdames et Messieurs ;
Je suis très heureux de prendre part aux festivités commémoratives des 60 ans du Département Afrique du FMI. Je tiens, chère Kristalina, à vous remercier pour votre aimable invitation et vos aimables propos à mon endroit.
Avant tout propos, je souhaiterais faire un bref rappel historique de la place de l’Afrique au sein du FMI et rappeler que l’Egypte, l’Ethiopie et l’Afrique du Sud sont les premiers pays africains à être devenus membres du FMI, en 1945.
Il a fallu attendre les années 1990 pour que tous les pays africains y soient représentés.
Toutefois, 46 pays d’Afrique subsaharienne ne sont représentés que par deux (2) Chaises au Conseil d’Administration du FMI et ont un pouvoir de vote de 7,09 %.
Ce constat montre que beaucoup de chemin reste encore à faire pour améliorer la représentativité du continent africain. La revue des quotas, qui déterminent la représentativité des pays, reste donc un point important à l’ordre du jour pour les pays africains.
Mesdames et Messieurs,
Au cours de ma carrière, j’ai eu le plaisir de travailler au FMI d’abord en tant qu’économiste de 1968 à 1973, puis comme Directeur du Département Afrique de 1984 à 1988, et simultanément Conseiller du Directeur Général à partir de 1987, et enfin, en
tant que Directeur Général Adjoint de juillet 1994 à juillet 1999.
Je retiens de ces expériences que le FMI a toujours su s’adapter à un monde constamment en changement, et répondre aux multiples défis et crises aux niveaux régional, international et national. Cela, grâce à la diversité et à la qualité de son personnel ainsi qu’à la bonne collaboration entre la Direction Générale et le Conseil d’Administration.
Je note également que la réussite des programmes économiques et financiers, avec le FMI, dépend du degré d’appropriation des programmes par les pays membres. Il est donc fondamental que les missions du FMI continuent de rester à l’écoute des Autorités des pays membres, notamment lorsqu’ils font face à des chocs intérieurs comme extérieurs.
Les récentes discussions, parfois ardues, en pleine pandémie et lutte contre le terrorisme, sur l’ampleur des déficits budgétaires en sont un bon exemple et appellent parfois à un peu plus de flexibilité, sans pour autant remettre en cause la soutenabilité de la dette publique, et la solidité du cadre macro-économique.
Quelques décimales en plus sur le déficit budgétaire, rapporté au PIB, permettraient à beaucoup de pays de mieux affronter les pandémies, de financer les dépenses urgentes de lutte contre le terrorisme, mais aussi de bâtir, à moyen terme, des bases solides de paix pour leur développement.
Madame la Directrice Générale,
Mesdames et Messieurs,
Ce soixantième anniversaire se déroule juste après la clôture des Assemblées Annuelles de Printemps du FMI et de la Banque Mondiale, dans un contexte marqué par la pandémie de COVID-9.
A ce propos, je voudrais saisir l’opportunité qui m’est offerte pour vous rendre hommage, chère Kristalina, pour votre leadership depuis votre nomination à la tête de cette Institution, en octobre 2019. Votre Agenda pour 2021, auquel nous adhérons pleinement, ainsi que la rapidité avec laquelle le FMI et la Banque Mondiale ont adressé conjointement la pandémie de COVID-19 en sont un exemple éclatant.
Je profite aussi de l’occasion pour saluer l’excellent travail accompli, par les équipes sous la supervision du Directeur du Département Afrique, mon jeune frère Abebe Selassie, pour aider les pays africains à contenir cette pandémie.
Nous avons connu, en 2020, avec un taux de croissance mondiale de -3,3%, la pire récession, en temps de paix, depuis la Grande Dépression. En Afrique subsaharienne, ce fut la contre-performance la plus importante jamais enregistrée avec une contraction
de 1,9% et un revenu par habitant retombé à son niveau de 2013.
Le montant des besoins de financement en Afrique subsaharienne, pour accroître les dépenses de lutte contre la pandémie et le terrorisme, maintenir des réserves suffisantes et accélérer la reprise économique, est estimé, sur les cinq (5) prochaines
années par le FMI, à environ 425 milliards de dollars US.
Malgré les efforts de mobilisation de ressources intérieures, et la contribution du secteur privé, les pays africains ne pourront malheureusement pas couvrir la totalité de ces besoins.
Le FMI est devenu aujourd’hui un “Filet de Sécurité » pour l’Afrique avec ses 28 milliards de dollars US déjà décaissés et les 620 millions de dollars US d’allègement de la dette.
Je salue les travaux en cours, par le FMI, en vue de la mise à disposition, comme lors de la crise financière de 2009, aux différents pays membres, de 650 milliards de dollars US d’allocation de « Droits de Tirages Spéciaux (DTS) » dont 23 milliards de dollars
US aux pays d’Afrique subsaharienne. Cela permettra à nos pays d’avoir de l’espace fiscal pour faire face aux besoins urgents pour le bien-être de nos populations.
Toutefois, cela ne sera pas suffisant et il faudrait que, dès à présent, car c’est le meilleur moment de le faire, les partenaires au développement, notamment le FMI et la Banque Mondiale, augmentent, de manière significative, le volume des financements aux pays africains.
Concernant la dette, une approche, tenant compte de la situation de chaque pays, devrait être privilégiée. En effet, les pays, avec une dette soutenable et pouvant aller sur le marché international, devraient être accompagnés par le FMI afin qu’ils continuent à mobiliser des ressources longues, à des taux d’intérêt plus bas.
Par ailleurs, nous apprécions les initiatives, en cours, entre le FMI et les pays développés, pour que les pays, disposant de réserves extérieures confortables, prêtent une partie de leurs allocations « Droits de Tirages Spéciaux (DTS) », à des conditions concessionnelles, aux pays africains.
Nous devons tous nous adapter à un monde en plein changement pour offrir les réponses, les plus innovantes et les plus efficaces, aux nouveaux défis.
Cela fait partie des sujets que nous examinerons lors du Sommet international de Paris sur le financement pour l’Afrique, le 18 mai prochain.
Madame la Directrice Générale,
Mesdames et Messieurs,
Je me félicite de l’excellente collaboration entre la Côte d’Ivoire et le FMI, en particulier avec le Département Afrique qui est entre de bonnes mains.
Je ne saurais terminer mon propos sans rendre hommage à feu Mamoudou Touré et Evangelos Calamitsis, anciens Directeurs du Département Afrique, ainsi qu’à feu Christian François, Conseiller principal au Département Afrique, et ancien Chef de
mission pour la Côte d’Ivoire.
Dans un discours en janvier 2000, mon Cher Ami Michel Camdessus, ancien Directeur Général du FMI de 1987 à 2000, qui avait inclus l’Afrique comme un pilier dans la stratégie et les opérations du FMI soulignait que : « It is in Africa that the future of the world is being played out, because it is in Africa in particular where the forces that have yet to make their contribution are found : wealth in economic terms, and wealth in human terms.»
C’est sur ces mots que je souhaite plein succès au Département Afrique, plein succès à la coopération Afrique – FMI, et joyeux anniversaire à tout le personnel du Département Afrique.
Je vous remercie.