Alors que l’opposition est vent debout contre la décision du Conseil constitutionnel d’autoriser le président Alassane Ouattara à candidater pour un troisième mandat, la campagne électorale semble bel et bien lancée pour le parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). D’Abidjan à Paris, des centaines de partisans se sont mobilisés ce week-end, à un peu plus d’un mois du premier tour. Le mot d’ordre : « Non à la guerre, oui à la paix ». Sauf que la campagne électorale ne débute que le 15 octobre, comme l’a rappelé la Commission électorale indépendante dans un communiqué jeudi, précisant que « toute propagande électorale » est interdite « en dehors de la durée réglementaire de la campagne ».
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Campagne électorale ou opération séduction, une chose est sûre, le mercure est monté d’un cran dans la classe politique. Le RHDP s’est lancé à la conquête des populations dans la commune de Yopougon, la plus grande de la capitale, mais aussi le fief de l’ex-président Laurent Gbagbo. C’est le Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko, en personne qui a donné de son temps et mouillé la chemise pour convaincre les habitants réunis à l’invitation de la Plateforme pour la victoire du RHDP, organisation proche du parti au pouvoir. Il a appelé samedi à des « élections apaisées » devant quelques milliers de jeunes alors qu’un incident s’est déroulé plus tôt avec des opposants.
« N’écoutez pas ceux qui menacent la Côte d’Ivoire », « la Côte d’Ivoire de la jeunesse qu’on pouvait manipuler, c’est fini ! » a lancé celui que les Ivoiriens surnomment Hambak – s’adressant sans le nommer, mais explicitement, à l’ancien patron de la rébellion de 2002 Guillaume Soro en exil en France. Plus tôt cette semaine, ce dernier a laissé entendre aux médias que l’élection présidentielle du 31 octobre n’aurait pas lieu, sans en dire davantage. « Prenez un stylo et marquez-le : il n’y aura pas d’élections en Côte d’Ivoire. S’il y a des élections, c’est que nous y sommes inclus » a déclaré l’ancien chef rebelle. Le leader de Générations et Peuples solidaires (GPS) conteste le rejet de sa candidature à l’élection présidentielle par le Conseil constitutionnel ivoirien. Il a d’ailleurs rapidement attaqué cette décision devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Celle-ci a demandé à la Côte d’Ivoire de valider la candidature de l’opposant injustement recalé. Conforté par cette décision et adoubé dans sa démarche par plusieurs organisations internationales, l’ancien Premier ministre ivoirien a durci le ton ces derniers jours.
Hamed Bakayoko, lui, a répondu sur le terrain politique en vantant le bilan du président Ouattara ces dix dernières années. « Lorsqu’on aime son pays, on ne lui souhaite aucun mal, quelle que soit la position dans laquelle l’on se trouve. […] Il y a des personnes qui souhaitent le pire à la Côte d’Ivoire. Ils aimeraient bien voir la Côte d’Ivoire brûler, à feu et à sang. Il faut leur dire que la Côte d’Ivoire sera en paix… » Avant d’ajouter un brin moqueur : « Quand on te soulève, tu crois que tu mesures deux mètres. Mais quand on te dépose, tu réalises que tu ne mesures pas deux mètres… Et là, tu as le vertige et tu bavardes au hasard. »
Et comme sur un air de campagne, c’est bien sur une promesse que le Premier ministre ivoirien a terminé son intervention, tout en invitant une jeune fille, vendeuse de bananes, et un jeune commerçant sur le podium, il a promis, de verser 5 millions de francs CFA à chacun pour le développement de leurs commerces. Il s’agissait du premier meeting politique en Côte d’Ivoire depuis l’annonce lundi par le Conseil constitutionnel des candidats retenus pour la présidentielle du 31 octobre. Seules quatre des 44 candidatures déposées ont été retenues par le Conseil : celles du président Ouattara et de trois opposants, dont l’ex-président Henri Konan Bédié (1993-1999).
Avant le meeting, un incident a éclaté entre des manifestants de l’opposition et les forces de l’ordre. Vers 8 heures (locales et GMT), au marché Sicogi, un petit groupe de manifestants a affronté les forces de l’ordre et incendié un véhicule de la gendarmerie, selon les témoignages de deux commerçants, sous le couvert de l’anonymat, à l’AFP.
Les autorités ivoiriennes ont interdit toute manifestation jusqu’au 30 septembre.
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Autre lieu, mêmes messages. Plusieurs centaines de militants pro-Ouattara se sont rassemblés samedi à Paris pour apporter leur soutien à la candidature du président ivoirien Alassane Ouattara, a constaté une journaliste de l’AFP.
En robes immaculées ou en pantalons blancs et casquettes orange, l’assemblée constituée majoritairement de femmes a dansé et chanté, sur l’esplanade des Invalides, des slogans en faveur du chef de l’État sortant. « Les femmes soutiennent le président Ouattara en tant qu’artisan de la paix et du développement du pays, et parce que, avec lui, elles ont obtenu beaucoup de droits », a assuré Boni Felix Niangoran, l’un des organisateurs, citant une nouvelle loi sur l’héritage et leur représentation accrue dans la classe politique et dirigeante du pays.
« Le président est dans la vérité, il est temps que nous proclamions la paix en Côte d’Ivoire. La stabilité avec ADO » (acronyme d’Alassane Dramane Ouattara), a lancé, dans un mégaphone, Lea Kotché, une militante. En tant que « femme mariée à un Français et mère d’enfants métis », elle a exprimé à l’AFP sa reconnaissance envers le président Ouattara pour « avoir banni le racisme et reconstruit notre nation ».
Pour Gouza Nahounou, une influenceuse qui compte plus de 100 000 followers, responsable de l’association Idée de paix, M. Ouattara est « le candidat du moindre mal ».
« Pour une Côte d’Ivoire apaisée, nous avons besoin d’hommes éclairés comme M. Ouattara », a dit à l’AFP cette militante, pour qui ses opposants ne sont qu’« un club d’aigris qui veulent mettre le feu à la Côte d’Ivoire ».
Élu en 2010, réélu en 2015, M. Ouattara avait annoncé en mars qu’il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d’avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution de 2016, le compteur des mandats de M. Ouattara a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l’opposition. Cette décision a provoqué des violences en août dans lesquelles une quinzaine de personnes sont mortes.
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Source : African Media Agency (AMA)