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Présidentielle en Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara promet un « coup KO »

August 23, 2020

Il n’y a plus de doute, le président ivoirien sera bien sur la ligne de départ pour la présidentielle du 31 octobre prochain. Alassane Ouattara, 78 ans, dont 10 ans à la tête de la nation ivoirienne, a été officiellement investi, ce samedi 22 août à Abidjan, candidat de son parti – le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) –, devant une foule immense de militants rassemblés au stade Houphouët-Boigny. « Je vous investis ce 22 août comme candidat du RHDP à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 », a déclaré Henriette Diabaté, première vice-présidente du parti au pouvoir, s’adressant au chef de l’État sortant debout à ses côtés.

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Des circonstances exceptionnelles

À quelques minutes de son discours d’investiture, Alassane Ouattara sait qu’il a réussi son pari de faire de ce moment un temps fort pour le pays. « Merci pour votre présence, quelle mobilisation ! Seul le RHDP peut faire une telle mobilisation. […] Ce que les autres savent faire, c’est de mettre des troncs d’arbre sur les voies pour empêcher les honnêtes citoyens de circuler », a lancé d’emblée le candidat du RHPD. « Arrêtez la déforestation, arrêtez de couper les arbres pour éviter les inondations. Nous allons gagner les élections d’octobre 2020. Le RHPD est le seul parti, je dis bien le seul, qui couvre l’ensemble du territoire national. C’est 143 maires sur 201. C’est 24 régions sur 31, et d’autres continueront à nous rejoindre encore », a-t-il poursuivi, donnant les éléments de langage clés pour ceux qui douteraient encore de la puissance du parti, apparu divisé ces derniers temps.

Alors que, initialement, le président candidat avait annoncé en mars son intention de ne pas se représenter et de passer le relais à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, le décès soudain le 8 juillet de ce dernier a bouleversé ses projets ainsi que ceux de son parti. Le 6 août 2020, dans son traditionnel message à la nation à la veille de la fête nationale de la Côte d’Ivoire, il avait finalement annoncé qu’il serait candidat à la magistrature suprême pour « maintenir les acquis » de développement et de paix enregistrés depuis son arrivée au pouvoir en 2011. « Avec Amadou Gonn, nous étions sûrs que c’était un coup KO. La situation exceptionnelle m’a demandé de revenir sur ma décision. J’ai décidé de répondre favorable à votre appel par devoir pour notre parti et dans l’intérêt du pays », a réaffirmé Alassane Ouattara, ce samedi 22 août.

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Vif débat autour de la constitutionnalité de sa candidature

Concrètement, cette nouvelle candidature est jugée inconstitutionnelle par ses opposants qui se mobilisent, semaine après semaine. Et les premières manifestations ont déjà donné le ton avec des actes de violence sur plusieurs jours qui ont fait six morts, une centaine de blessés et 1 500 déplacés. En outre, 69 personnes ont été interpellées, selon un bilan officiel. Malgré l’interdiction des manifestations par les autorités, de nouvelles violences ont eu lieu vendredi dans le pays, notamment à Bonoua (50 kilomètres d’Abidjan), fief de l’ex-première dame Simone Gbagbo. Des boutiques de commerçants « dioula » (originaires du nord du pays), qui soutiennent traditionnellement Ouattara, ont notamment été prises pour cible par des jeunes de la région, selon des témoignages d’habitants.

Et Alassane Ouattara de condamner ces « violences », affirmant : « Faites des meetings ! La violence ne passera pas », a-t-il averti, quelques instants après avoir été officiellement investi candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Au-delà de ces joutes verbales adressées à ses adversaires, le chef de l’État est également revenu sur la légalité de sa candidature, affirmant que, s’il n’y avait pas de « IIIe République, ni Alassane Ouattara, ni Bédié, ni Gbagbo ne seraient candidats » en référence à la nouvelle Constitution révisée en 2016, qui limite pourtant à deux les mandats présidentiels. Les partisans du président Ouattara affirment que cette révision a remis le compteur des mandats à zéro. Ouattara soutient qu’il n’y avait pas de rétroactivité prévue par la Constitution de la IIIe République et que, par conséquent, rien ne l’empêche d’être candidat. « Qui peut oser dire qu’il connaît mieux la Constitution que moi ? » demande-t-il.

« Constitutionnellement, le président Alassane Ouattara ne peut pas avoir un troisième mandat. Il ne peut pas être candidat et il le sait », s’insurge Maurice Kakou Guikahué, numéro deux du principal mouvement d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), cité par l’Agence France-Presse.

« C’est une candidature dangereuse qui arrive dans un contexte volatil », fustige, de son côté, l’opposant et candidat à la présidentielle Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, ancien Premier ministre du président Gbagbo, chassé du pouvoir en 2011 à l’issue de plusieurs mois de crise postélectorale meurtrière. Ce dernier a appelé le président Ouattara à « renoncer à ce troisième mandat afin de dignement quitter l’arène politique », disant craindre, dans le cas contraire, « que l’avenir ne soit sombre, aussi bien pour lui que pour la Côte d’Ivoire ».

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La tension monte

Si le président Alassane Ouattara a évoqué les candidatures de ses principaux opposants, dans la réalité, la situation de chacun est vraiment différente. Henri Konan Bédié sera le principal adversaire du président sortant. En effet, ni Laurent Gbagbo ni Guillaume Soro ne semblent en capacité de se départir de leur situation judiciaire. D’autant plus que le rejet, ces dernières heures, par la Commission électorale des recours de Laurent Gbagbo et de l’ancien chef rebelle Guillaume Soro contre leur radiation des listes électorales pourrait accroître encore les tensions générées par la troisième candidature de M. Ouattara.

Guillaume Soro, 47 ans, se dit candidat, même s’il vit en exil après sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics », et son entourage a annoncé sa volonté de faire appel devant les tribunaux. L’ex-chef rebelle, qui a aidé Ouattara à accéder au pouvoir est aussi accusé de « tentative d’insurrection » dans le cadre d’une procédure toujours en cours en Côte d’Ivoire.

Quant à Laurent Gbagbo, acquitté en première instance par la Cour pénale internationale (CPI), il attend à Bruxelles un éventuel appel et dit vouloir revenir au pays, sans dévoiler ses projets politiques, même si ses partisans espéraient qu’il se présente à la présidentielle.

Le coup d’État au Mali dans les têtes

L’opposition n’est pas la seule épine dans le pied du dirigeant ivoirien. Désormais, l’ombre du coup d’État au Mali voisin est bien présente en Côte d’Ivoire. Dès le lendemain du renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, le gouvernement a interdit les manifestations sur la voie publique jusqu’au 15 septembre « dans le cadre de l’état d’urgence ». Hasard du calendrier ? La question est posée alors qu’Alassane Ouattara a tout de même abordé le sujet en déclarant que « le temps des coups d’État est passé, le temps d’accéder par accident au pouvoir est passé », avant de conclure que le prochain président sera « Alassane Dramane Ouattara ».

Il a ensuite dévoilé son programme ainsi que les slogans de sa campagne qui va se dérouler en pleine pandémie de Covid-19. Il devrait s’appuyer sur son bilan économique, insister sur la relance et les bons chiffres de croissance qui ont permis au pays de retrouver un rôle important dans la région et sur le continent. Le chef de l’État a promis plus de retombées de cette croissance pour les classes les plus démunies d’ici à la fin de l’année. En attendant de voir sa démonstration de force concrétiser dans les urnes, le chef de l’État-candidat ira déposer son dossier de candidature la semaine prochaine sur le bureau de la CEI.

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Source : African Media Agency (AMA)

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