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Niger : ce signal du Quai d’Orsay qui ne passe pas

August 18, 2020

C’est une conséquence directe de l’attaque de Kouré, non loin de Niamey, le 9 août dernier, qui a fait huit morts, dont six Français, au Niger. Dans une note, le ministère français des Affaires étrangères a déclaré l’ensemble du territoire nigérien « Zone rouge », donc « formellement déconseillé aux Français, à l’exception de la capitale Niamey qui est déconseillée sauf raison impérative », ce qui correspond à la classification orange, ajoutant que « la menace terroriste pesant sur le Niger, en particulier hors de la capitale et près des frontières, est très élevée ». Jusqu’ici, Niamey était en jaune, tout comme la route menant au parc de Kouré, où les humanitaires ont été pris pour cibles. Ces couleurs correspondent à des recommandations particulières du ministère en fonction du niveau de sécurité du lieu. Chaque voyageur peut y avoir accès en se rendant sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères. Au Niger, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe au sein de l’opinion publique.

Paris a placé l’ensemble du Niger en zone rouge, à l’exception de la capitale Niamey, soit “formellement déconseillée”, à la suite de l’assassinat de huit personnes dont six humanitaires français par des hommes armés à moto près de Niamey.
© Ministère des Affaires étrangères

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Le Niger, mais aussi le Burkina Faso et le Mali

Réagissant sur la chaîne de télévision France24, le ministre nigérien de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alkache Alhada, a souhaité que cette position change le plus rapidement possible, étant donné que « d’autres pays qui sont dans des situations similaires, même moins favorables que celle du Niger, ne se sont pas retrouvés totalement rouges ». Pourtant, il semble bien que les voisins du Niger aient reçu le même traitement, comme le rapporte le journal burkinabè WakatSéra, qui a consacré un article à la question sous le titre « Burkina, Niger, Mali en rouge : à qui la faute ? » et de déplorer dès les premières lignes « beaucoup de rouge et un peu d’orange ! Ce ne sont pas les nouvelles couleurs nationales du Burkina Faso, du Niger ou du Mali, mais celles dont le Quai d’Orsay peint, désormais, ces pays du Sahel où les terroristes ont fait leur nid, endeuillant au quotidien les armées nationales, la Force française Barkhane, la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) et les populations civiles, sans distinction de religion, de sexe ou d’appartenance sociale. Ni de nationalité ! » peut-on lire.

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Les voix montent pour contester cette décision

Les protestations retentissent aussi sur les réseaux sociaux, où une carte du Niger totalement en vert est largement partagée en signe de contestation avec la mention : « Je suis un pays de paix et d’hospitalité légendaire, je suis le Niger. »

« Il s’agit d’une décision injuste qui décourage tous les efforts fournis depuis plus de cinq ans par les autorités nigériennes et les Forces de défense et de sécurité pour préserver l’intégrité d’un territoire entouré de nombreux foyers de tension », s’est insurgé, dans un éditorial samedi soir, Moussa Yahaya, le directeur de la télévision publique nigérienne, ajoutant que « les Nigériens ont le sentiment que cette décision a été prise sous le coup de l’émotion, donc de la panique, [ce qui est précisément] ce que cherchent les terroristes ».

Il a rappelé que son pays « s’est jusqu’ici bien organisé malgré ses moyens modestes pour que la paix et la quiétude règnent dans toutes ses villes, dans tous ses villages, nonobstant les lâches incursions répétées notamment dans le bassin du lac Tchad et dans la zone des trois frontières [Niger-Burkina-Mali] ».

À la suite de cet attentat, pour lui, « c’est plutôt de soutien dont le Niger, et le Sahel de manière globale, ont besoin : le même soutien que le Niger a apporté aux Français lorsqu’ils ont été attaqués en faisant le déplacement à Paris [en janvier 2015, NDLR] ».

La Confédération générale des syndicats libres du Niger (CGSL), une importante centrale syndicale, fustige également « l’attitude précipitée, provocante et irrespectueuse de la France ».

« Tout Nigérien soucieux de la dignité de ce pays s’est senti humilié dans sa chair. Le Niger en rouge ! Mais ils n’ont qu’à partir bon sang, ils n’ont qu’à partir », martèle Alahé Tahirou, un fonctionnaire nigérien cité par l’AFP.

Selon Amadou Hassane Boubacar, enseignant-chercheur et acteur de la société civile, « la vie humaine est certes sacrée, mais la France doit aussi se soucier des conséquences que sa décision peut avoir sur la vie des 22 millions de Nigériens ». Pour lui, « dire que le Niger est devenu un pays infréquentable va avoir des conséquences énormes sur le plan des investissements des partenaires que le pays doit recevoir sur son territoire ».

Il pense également que « ce n’est plus à la France de décider de façon unilatérale de faire ce qu’elle veut [au Niger, NDLR]. Nous sommes un État souverain, et la France a le devoir de respecter la souveraineté du Niger sans s’ingérer dans les affaires intérieures de notre pays. Cette attitude de condescendance doit s’arrêter, et le peuple nigérien doit assumer sa dignité ».

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Cycle infernal

Mais pour WakatSéra, « ce rouge, synonyme de danger pour les ressortissants occidentaux, n’est, ni plus ni moins, que le constat de l’impuissance des Burkinabè, des Maliens et des Nigériens à sécuriser leurs territoires, mais c’est également une faillite des Occidentaux qui, depuis près d’une décennie maintenant, sont engagés, aux côtés des Africains, dans la lutte contre le terrorisme. » À l’heure où nous écrivons ces lignes, cette attaque terroriste n’a toujours pas été revendiquée. Ce qui fait dire au quoditien Aujourd’hui que « depuis le sommet de Pau, malgré la poussive Force G5-Sahel plombée par des questions de trésorerie, malgré l’aguerrissement des forces de défense de ces pays concernés, malgré les embellies engrangées, les forces du mal obscurantistes prennent de l’ascendance sur le terrain ».

Le Niger subit dans sa partie occidentale les attaques meurtrières perpétrées notamment par les groupes terroristes proches d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), d’Ansar Dine et d’autres mouvements rebelles basés dans le nord du Mali qui ont fait des centaines de victimes civiles et militaires et des dizaines de milliers de déplacés, rappellent des observateurs locaux. La zone de Kouré, proche de la frontière avec le Burkina Faso, constitue depuis plus d’un an un nouveau foyer de l’insécurité dans l’extrême sud-ouest du Niger, selon les observateurs. Et la situation est plus qu’urgente. Pour la neuvième année consécutive, le Niger vient d’être classé dernier État en termes d’Indice de développement humain (IDH) par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le président Mahamadou Issoufou, après deux mandats, ne se représente pas. L’un des piliers du pouvoir, l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum, sera candidat du parti présidentiel.

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Source : African Media Agency (AMA)

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