La communauté internationale a accentué, mercredi, la pression sur les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali, les États-Unis, l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) réclamant la libération « immédiate » du président Ibrahim Boubacar Keïta, toujours détenu au lendemain de son arrestation par l’armée.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), médiatrice de la crise malienne, a été la première à condamner, dès le mardi 18 août dans l’après-midi, les événements survenus à Bamako. Dans un communiqué, l’organisation régionale « condamne avec la plus grande fermeté le renversement par des militaires putschistes du gouvernement démocratiquement élu du président Ibrahim Boubacar Keïta », confronté depuis plusieurs mois à une vague de contestation sans précédent depuis le coup d’État de 2012.
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La Cedeao « dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel », déclare le communiqué. Elle « exige la libération immédiate » du chef de l’État malien et de tous les officiels arrêtés et dont on est toujours sans nouvelles. Le Niger, pays voisin du Mali, où le président Ibrahim Boubacar Keïta a été arrêté mardi par des militaires en révolte, préside actuellement la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao, 15 pays, dont le Mali). Alors qu’une visioconférence des chefs d’État de la Cedeao sur « la situation au Mali » est prévue jeudi sous la présidence du président Mahamadou Issoufou, la Cedeao a rapidement pris des sanctions sévères.
L’instance suspend le Mali de tous ses organes de décision « avec effet immédiat ». Et elle « décide de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que de l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les [autres] pays membres de la Cedeao et le Mali », invitant « tous les partenaires à faire de même ». Enfin, l’organisation ouest-africaine « demande la mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les putschistes et leurs partenaires et collaborateurs », et « décide de dépêcher une délégation de haut niveau pour assurer le retour immédiat de l’ordre constitutionnel », selon le même communiqué.
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De son côté, l’Union africaine a réagi à travers les voix de Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’UA, puis le chef de l’État sud-africain et président en exercice de l’UA, Cyril Ramaphosa, est monté au créneau, exigeant la « libération immédiate » du dirigeant démissionnaire. Dans un communiqué publié par la présidence sud-africaine, Cyril Ramaphosa a « condamné le changement inconstitutionnel de gouvernement au Mali » et « exigé la libération immédiate du président, du Premier ministre et des autres ministres ». Les militaires ont pris le pouvoir mardi au Mali à l’issue d’une mutinerie et placé en détention le président Keïta, poussé à annoncer sa démission quelques heures plus tard. Les putschistes ont promis, par la voix d’un porte-parole qui s’est exprimé à la télévision publique, d’organiser une « transition politique civile » et des élections générales dans un « délai raisonnable ».
Au nom de l’UA, le président sud-africain leur a demandé « un retour immédiat à un gouvernement civil » et a prié les militaires « de retourner dans leurs casernes ». Il a également « exhorté le peuple du Mali, ses partis politiques et sa société civile à respecter l’État de droit et à engager un dialogue pacifique pour résoudre leurs différends », selon son communiqué. Le président en exercice en l’UA a enfin intimé à ses « partenaires africains et à la communauté internationale de dénoncer et de rejeter le changement inconstitutionnel de régime conduit par les militaires et d’aider le peuple malien à revenir à la démocratie civile ».
La France, qui compte 5 100 soldats dans la région, a condamné « avec la plus grande fermeté » la « mutinerie », selon un communiqué du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. L’ambassade de France au Mali avait recommandé mardi matin à ses ressortissants de rester chez eux, avant d’activer une cellule de réponse téléphonique quelques heures plus tard.
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La réaction d’Alger, voisin du Mali, était très attendue. Les autorités ont condamné ce mercredi le coup d’État au Mali, appelant à des élections et au « respect de l’ordre constitutionnel », selon un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. « L’Algérie réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement », a déclaré la diplomatie algérienne dans le communiqué cité par l’Agence France Presse. Alger suit avec « préoccupation » la situation dans ce pays avec lequel elle partage près de 1 400 kilomètres de frontière et qui est déjà en proie à des violences djihadistes. L’Algérie « appelle toutes les parties au respect de l’ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide », selon le texte.
Alors que le gouvernement algérien est lui-même en proie à un mouvement de contestations, le ministère ajoute « que seules les urnes constituent la voie pour l’accession au pouvoir et à la légitimité ». Alger, qui craint les risques d’instabilité sur son flanc sud, avait hébergé en 2015 les négociations entre le gouvernement malien et les mouvements rebelles indépendantistes ayant abouti à un accord de cessez-le-feu.
Du côté de l’Union européenne (UE), dès mardi après-midi, l’instance avait réagi en condamnant ce qui était au début présenté comme une mutinerie. Au lendemain des faits, l’UE appelle également à la libération « immédiate » des prisonniers et au « retour de l’État de droit » au Mali. « La stabilité de la région et du Mali, la lutte contre le terrorisme doivent demeurer des priorités absolues », a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel, soulignant « l’extrême préoccupation » des 27 après les développements des dernières heures, à l’issue d’un sommet extraordinaire des 27 où le sujet est venu s’ajouter aux discussions. Charles Michel a souligné que « la coopération étroite avec la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) et avec les différentes institutions africaines impliquées pour tenter de dégager une solution qui soit directement liée aux aspirations du peuple malien » devait être poursuivie.
Même condamnation pour Washington. Le chef de la diplomatie américaine a « fermement condamné » mercredi la prise du pouvoir par l’armée au Mali et a réclamé que « la liberté et la sécurité des responsables gouvernementaux » soient assurées. « Les États-Unis condamnent fermement la mutinerie du 18 août au Mali comme nous condamnerions toute prise du pouvoir par la force », a déclaré Mike Pompeo dans un communiqué, sans parler de coup d’État. Il a appelé à « œuvrer au rétablissement d’un gouvernement constitutionnel ». « La liberté et la sécurité des responsables gouvernementaux arrêtés et de leur famille doivent être assurées », a insisté Mike Pompeo. « Nous appelons tous les acteurs au Mali à participer à un dialogue pacifique, à respecter les droits des Maliens à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et à rejeter la violence », a-t-il ajouté.
Le coup d’État prolonge la crise sociopolitique à laquelle est confronté le Mali depuis plusieurs mois et que la médiation de la Cedeao n’a pas pu résoudre.
Une coalition hétéroclite d’opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile a multiplié les manifestations pour réclamer le départ du président Keïta, accusé de mauvaise gestion. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP), qui mène la contestation, avait refusé jeudi une rencontre avec le président Keïta, fixant notamment comme préalable la fin de la « répression » contre ses militants.
Mercredi après-midi, ni le M5 ni la figure de proue de la contestation, l’influent imam Mahmoud Dicko, n’avaient encore fait part de leurs intentions après le renversement de leur bête noire.
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Source : African Media Agency (AMA)